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Jean-Luc Ponty

Dossier réalisé par Stéphane Barthod
depuis 2002

Jean-Luc Ponty
Jean-Luc Ponty le 11 avril 2012 au théâtre du Châtelet (Paris) – Photo : Stéphane Barthod

Questions de 2002

À l'occasion de la sortie du nouvel album de Jean-Luc Ponty, Life Enigma, et en attendant le prochain, un live qui paraîtra courant 2002, nous vous avons proposé de poser vos questions au violoniste... Voici ses réponses :

Qu'est-ce qui t'a poussé à enregistrer seul plusieurs titres de ton dernier album ? (Christophe)

Depuis mon premier séquenceur en 1983, j'ai toujours travaillé seul en studio, ajoutant des musiciens selon leur sensibilité aux différents morceaux. J'ai poussé les choses plus loin avec Life Enigma car j'ai maintenant un système informatique (Pro Tools) avec toutes les possibilités que cela procure sur le plan expérimental, des nouveaux samples de percussions etc... et la musique de cet album étant très personnelle, comme un journal intime, j'ai volontairement fait le maximum par moi-même. Par contre nous jouons aussi cette musique en tournée avec mon groupe, ce qui donne une autre dimension. J'aime justement les contrastes que procurent d'un côté la technologie du studio permettant une recherche de production par touches successives, et de l'autre l'instantané et la simplicité de la scène.

Quel souvenir gardes tu du trio HLP ? (Charles)

Celui d'une période lointaine et rocambolesque, qui pourrait remplir plusieurs pages de Mémoires. C'était un trio fortement original à l'époque, mais vite désintégré faute de soutien. Quelques rares concerts et un disque sans succès, découvert par les médias et le public 20 ans plus tard. Trop tard.

Y a-t-il un espoir de voir rééditer en 2002 le superbe album de Jean-Luc Ponty Live paru à l'époque en 1979 ? Je pense qu'une prestation comme l'avait faite Jean-Luc Ponty dans ce remarquable et inégalé concert mérite que l'on s'y repenche sérieusement. (Pascal)

Inégalé.....wow...! Merci pour le compliment. Cet album live enregistré en Californie fin 79 appartient à Warner-USA qui a ré-édité tout mon catalogue en CDs sauf celui-là. Et malgré les réclamations quasi-quotidiennes de fans, mon management n'a obtenu qu'une vague promesse pour cette année. Vague espoir donc! C'est une des raisons pour laquelle j'ai commencé mon label, afin qu'une situation aussi absurde ne se renouvelle pas avec mes futurs enregistrements.

NDLR (2003) : l'album live de 79 est enfin édité en CD (pour l'instant aux USA). Réf. : Wounded Bird Records, catalog No WOU-9229

Quels sont tes projets pour 2002-2003 ? (Alex)

En 2002, sortie en CD d'un concert enregistré à l'Opéra de Dresde en Allemagne avec mes musiciens actuels, les mêmes que sur Life Enigma , puis sortie de mon premier DVD avec le film d'un concert à Varsovie en 99, toujours avec le même groupe: William Lecomte (claviers), Guy Nsangué Akwa (basse), Thierry Arpino (batterie) et Moustapha Cissé (percussions). Et puis des concerts à l'étranger, l'Ile de la Réunion aussi en septembre. Rien encore de prévu en France sauf Annecy fin août. J'ai aussi un ou deux projets de collaborations en discussion aux Etats-Unis qui pourraient s'étendre sur 2003 et qui seront bien sûr annoncés s'ils se confirment.

Une question qui pourrait peut-être fâcher mais que je me pose toujours : quelle fut la raison de la séparation avec Zappa ? (Juno)

Il réduisait de plus en plus la partie instrumentale de son spectacle et écourtait tout particulièrement mes solos, quelquefois en plein milieu. J'ai constaté que certains leaders supportent mal qu'un sideman soit plus applaudi. Comme j'avais d'autres aspirations que d'accompagner des chansons, je suis parti. Pas si fâché que ça... Que son âme repose en paix.

Faut-il impérativement partir aux États-Unis pour faire une carrière internationale ? Ils sont plutôt peu nombreux à avoir survécu musicalement et tu es je crois un des rares à y être parvenu... (Fred)

Partir aux États-Unis n'a jamais garanti une carrière internationale, ni une carrière aux États-Unis d'ailleurs, où il y a déjà tant de grands talents, comme tu l'as toi-même constaté. Disons qu'à l'époque où j'y suis parti, début des années 70, c'était là que se créaient beaucoup de styles nouveaux. Donc le monde entier avait les oreilles tournées vers ce pays. C'était en effet un milieu très créatif et très stimulant. C'est d'ailleurs une fois là-bas que certains européens comme John McLaughlin (anglais) et Joe Zawinul (autrichien) ont développé leurs concepts originaux. Car c'est cela la clé d'une carrière internationale, l'originalité. Et la société américaine de l'époque favorisait la recherche artistique, par sa structure et sa réceptivité. Personnellement, le fait de cotoyer ce milieu des grands du jazz et du rock m'a permis d'évoluer de manière plus audacieuse, de développer ce que je pouvais offrir de différent. Mais il n'y a aucune formule qui marche pour tout le monde, et puis le monde a changé. Je pense qu'aujourd'hui il n'est plus indispensable d'être aux USA. Des européens comme Jan Garbarek et Eberhard Weber par exemple font des carrières internationales sans avoir quitté leurs pays, sans parler des succès hors du jazz comme Deep Forest et la techno.

Comment vois-tu le système éducatif jazz ? Est-ce que la Berklee school est la panacée ou penses tu un jour faire comme Didier Lockwood, monter ton école ? (Fred)

J'appartiens à une génération d'autodidactes qui a appris le jazz par l'écoute de disques et la pratique, et je suis assez sceptique sur le principe d'enseigner une musique basée sur une telle liberté d'expression. Le jazz m'a attiré justement parce qu'il permet de créer son propre style et une identité sonore très personnelle. Alors je conçois que l'on puisse donner quelques conseils théoriques, mais il ne faut surtout pas produire des copies conformes de quelques maîtres. Le directeur de la section Instruments à Cordes de la Berklee School à Boston cherchait à me faire venir depuis 20 ans. J'ai finalement accepté de faire quelques master classes l'année dernière, curieux d'entendre les quelques 90 élèves violonistes, altistes et violoncellistes. J'ai constaté que les plus doués n'avaient pas besoin de conseils. Je n'ai jamais visité d'autre école de jazz et ne peut donc pas les comparer.

On retrouve dans ta musique des arpèges et des structures qui peuvent évoquer certains musiciens contemporains comme Steve Reich par exemple. Te sens-tu des affinités avec ces musiques ? (Hervé)

Beaucoup d'affinités en effet mais ce fut d'abord une coincidence car j'ai commencé à utiliser des arpèges comme support rythmique avant de découvrir Steve Reich, Philip Glass et le mouvement minimaliste. Le piano étant mon second instrument, j'ai toujours composé principalement sur des claviers, d'où les arpèges. Influence de mon passé classique aussi.